À La Quarante Neuvième Minute...

                                         A Tombeaux Ouvert (1999)

Frank, l'ambulancier est venu chercher Marie pour l'amener voir son père qui se bat entre la vie et la mort  dans un hôpital surchargé. Le patriarche  fébrile et tandis qu'une équipe tente de le stabiliser. Frank éloigne Marie, ils s'isolent tous les deux dans les vestiaires, le silence s'installe enfin alors que le responsable du montage semble faire un AVC...


C'est le genre de détail qui me tue. Je me suis toujours poser la question, quelle est la signification de ces satanés fondus enchainés sur le visage de Patricia Arquette ?
Cage tombe amoureux ? le temps qui passe ? Une erreur de Thelma Schoonmaker (la monteuse de Scorsese qui mériterait un oscar™ a chaque film) ? ou alors Martin Scorsese décide d'enfumer la règle des 180°?!??

Bringing Out The Dead est très souvent considéré comme un Scorsese mineur par la critique institutionnalisée.
Vraie ou fausse, cette assertion définitive n'engage que ces auteurs et on se consolera en rétorquant qu'il y aura toujours plus ce cinéma dans un Scorsese mineur que dans un Nolan majeur (...c'est gratuit, ça me fait plaisir)
En tout cas Bringing Out The Dead était un film très attendu à la fin des années 90.
Pensez donc : venant après une glorieuse décennie en cinémascope pour son auteur (entamée en fanfare avec Les Affranchis) il marquait surtout les retrouvailles du scénariste et du réal de Taxi Driver pour une nouvelle errance urbaine et new yorkaise jusqu'au bout de la nuit.

Sauf que Marty a changé : l'asthmatique cocaïné qui jouait sa vie a chaque film est devenu un cinéaste plein et entier rempli des excès baroques de ces précédents métrages (Casino, Les Nerfs a Vif, tout ça...)
Sauf que Paul Schrader a changé : le luthérien cocaïné lui aussi en a fini avec la haine de soi et est devenu un scénariste étudié et un cinéaste plus qu'intéressant (redécouvrez Affliction ou Auto focus, bande de mécréants !)
Sauf que Nicolas Cage n'est pas Robert De Niro....
Sentant le piège arrivé, les deux filous feront tout pour prendre le contre-pied de la critique citée plus haut et concevront cette adaptation d'un bouquin semi-autobiographique comme le parfait contraire de leur Palme D'Or© de 1976.
Une sorte de doppelganger flamboyant à leur chef d'œuvre mortifère.

Autant Taxi Driver était un film ultra contemporain, dès son carton d'ouverture Bringing Out The Dead se présente comme un film historique situé dans un New York pré-Giuliani et le grand nettoyage qui a accompagné le règne du futur porte-parole Trumpiste.
Autant Taxi Driver était un film âpre et minéral construit autour d'un De Niro sur le point
d'exploser,  Bringing Out The Dead sera structuré dans un chaos hystérique catalysé par un Nicolas Cage qui a l'air d'avoir fondu ces derniers plombs depuis bien longtemps déjà.
Taxi Driver est rythmé par les regards inquisiteurs de Travis Bickle observant les New Yorkais marchant au ralenti dans un dépotoir à ciel ouvert sur un jazz lancinant de Bernard Hermann.
Bringing Out The Dead colle aux basques de Frank qui traverse un New York surréaliste accéléré par la batterie amphétaminée du "Janie Jones" de The Clash...

Le film se construit sous nos yeux au gré des rencontres de personnages hauts en couleurs, là où chaque personnage qui croisait la route de Travis était là pour lui signifier qu'il n'est pas à sa place ;  Frank prend son pied dans cette ménagerie de fous même s'il ne veut pas se l'avouer.
Marie/Betsy, Rose/Iris ou Marcus/Wizard... les exemples ne manquent pas : 
pratiquement chaque personnage du film de  99 a son équivalent dans le film de 76 mais là où Taxi Driver suivait une droite ligne jusqu'à la catharsis autodestructive de Travis ; la narration de Bringing Out The Dead se fait tout en virages serrés a bord d'une ambulance conduite par le Tom Sizemore hystérique d'avant sa sextape.


Contrairement a un Travis Bickle enfermé un délire meurtrier, Fank se meurt de ne pas pouvoir sauver quelqu'un ; que ce soit un acteur qui n'a pas encore signé avec HBO (Michael K. Williams,
Aida Turturro, Sonja Sohn...) ou le père de cette ancienne junkie... ou Rose...
Visuellement le film est un caviar pour les yeux, les saynètes s'enchainent entre moments intimistes ou fantasmagoriques qui culmineront dans un flashback tourné à l'envers !
Comme s'il voulait oublier l'académisme qui plombait Kundun, Scorsese organise un enterrement rock n'roll et incandescent pour SON New York a lui, celui où on vous conseillait de tenir fermement votre sac avec ses deux mains...

Après avoir mis un point terminal a ces obsessions urbaines, il pourra partir rejoindre Di Caprio et les Oscars™, laissant Nicolas Cage dans les bras de Patricia Arquette prostré comme une pietà de Michel-Ange.

Et alors, ce montage chelou, ça veut dire quoi ?
Peut être que le montage de Bringing Out the Dead  veut s'affranchir la rigueur mathématique de celui de son illustre modèle de 76.
Allez savoir... 
Moi, je m'en fous ;  je veux juste errer dans les rues de New York en écoutant le "T.B. Sheets" de Van Morrison...

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